Notre histoire
Au XVIIIème siècle déjà…
L’événement aéronautique le plus anciennement mentionné se situe dans le hameau franc-montagnard du Peuchapatte. La tradition rapporte qu’un paysan horloger, sans doute passionné par les exploits des frères Montgolfier, a construit une paire d’ailes qui lui permettent de voler « Sur une certaine distance » avant de s’écraser. Emporté à demi-mort, cet Icare jurassien rejoint dans la légende tous ceux dont les rêves fous de voler dépassent alors les moyens de vaincre la pesanteur. Il n’est pas jusqu’aux très sérieux moines de l’abbaye de Bellelay qui ne s’intéressent aux découvertes de leur temps. En 1784, ils enseignent à leurs élèves les rudiments de physique en faisant monter un ballon à air chaud dans la cour du collège.
Au XVIIIe siècle, un habitant du Peuchapatte a inventé un appareil
(des ailes) au moyen duquel il réussit à voler sur une certaine
distance, mais ses essais sont interrompus par un accident
(dessin de J. Beuret-Frantz)
1907 – « L’Aviateur » de Guinans et Frossard
Au début de notre siècle, l’aviation en est à ses balbutiements. On explore déjà deux voies dans le domaine de la propulsion motorisée. la voilure fixe (aéroplane) et la voilure tournante (gyroplane, appelé plus tard hélicoptère). En 1907, alors que les frères Bréguet construisent en France une machine qui peut s’élever verticalement, Frossard et Guinans réalisent, à Porrentruy, « l’Aviateur ». L’appareil se compose d’une roue extérieure de 15 m de diamètre et d’une autre, intérieure de 12 m, dont la rotation et l’incidence des aubes sont inversées. Le tout repose sur un axe vertical et est actionné par 4 moteurs de motocyclettes développant au total 30 CV. A l’occasion du premier essai, cet étrange carrousel s’élève de quelques mètres, s’incline et s’écrase au sol. Un travail patient de plusieurs années est anéanti et les noms des deux précurseurs s’ajoutent à la liste de tous ceux qui, faute de moyens ou d’appuis, ont abandonné leurs recherches.
« L’Aviateur de Frossard et Guinans. L’appareila été sorti sur un rail,
de l’atelier sis à Beaupré près de Porrentruy. Frossard est assis sur
le support de l’axe vertical. A droite ses collaborateurs, à
l’arrière-plan, les maisons de la route de Courtedoux.
1912 – Premiers meetings à Porrentruy et à Delémont
Le 14 juillet 1912, la Société hippique de Porrentruy organise, au champ de course du Banné, un meeting aérien, première manifestation du genre dans la région. Trois ans plus tôt, Blériot a traversé la Manche et l’engouement pour ce sport nouveau est à son comble. Pour s’assurer le succès, on fait venir deux pionniers de l’aviation en Suisse. Emile Taddéoli et René Grandjean. Le premier est pilote chez les frères Dufaux à Genève, le second a accompli en 1910, près d’Avenches, le premier vol d’un aéroplane de construction helvétique. La presse locale annonce l’arrivée des fameux aviateurs à grand renfort de publicité. Le Conseil communal de Porrentruy alloue une somme de Fr. 300.- aux organisateurs. On s’arrache les cartes d’entrée au champ de course. Dans les jours qui précèdent, le public est admis à visiter les appareils à la halle des Jésuites. Le dimanche voit affluer le tout Porrentruy dans une ambiance « Belle Epoque » qu’un témoin décrit, plus de 50 ans après, dans les colonnes du « Démocrate » : « … officiels en jaquette ou veston noir, cols empesés…, dames en toilettes claires, coiffées de larges chapeaux tenus par des voilettes nouées sous le menton … » Tout ce monde cherche refuge sous les arbres ou sous les ombrelles car la chaleur est intense et les aviateurs tardent à partir. L’atmosphère surchauffée gêne le décollage et perturbe la carburation des moteurs. Vers 4 heures Taddéoli fait quelques passages sur la ville avec son « Morane ». Grandjean accomplit trois vols superbes sur la machine de sa construction.
A chaque passage, c’est l’enthousiasme dans une foule évaluée à 4000 spectateurs. Ceux qui n’ont pas trouvé place autour du champ de course se sont massés sur l’esplanade du château, les plus téméraires ayant choisi le toit de la Réfous comme belvédère.
Dans son numéro du 16 juillet 1912 « Le Pays » salue l’inédit et l’originalité de la manifestation. Le chroniqueur affirme même que nos aviateurs peuvent désormais rivaliser avec les plus audacieux pilotes français.
L’appareil de René Grandjean construit en 1909. Poids 210 kg,
moteur de 40 CV
Les 8 et 9 septembre de la même année, c’est encore Taddéoli, accompagné cette fois du Tavannois Enrico Cobioni, qui recueillent les faveurs de 8000 personnes accourues au Voirnet, derrière la gare de Delémont, où les Sports-Réunis ont organisé une grande fête. De nombreux Delémontains font à cette occasion leur baptême de l’air.
1914-1918 – Premiers vols de nuit
Durant la Première Guerre mondiale, le Jura s’est trouvé à l’extrémité sud du front qui oppose Français et Allemands. Les violations de territoire par des avions étrangers, accompagnées parfois de bombardements, sont nombreuses. En 1916, ordre est donné à l’une des quatre escadrilles de l’armée suisse d’effectuer la nuit des vols de reconnaissance sur l’Ajoie. Il s’agit de s’assurer si les projecteurs, disposés aux abords de Porrentruy pour signaler le territoire helvétique aux aviateurs belligérants, sont bien visibles.
A l’occasion de cette mission, l’aviateur delémontain Alfred Comte accomplit les premiers vols de nuit en Suisse. L’escadrille qu’il commande est basée près de la gare de Delémont. Pour baliser la piste, il fait allumer des torches confectionnées avec des déchets de coton provenant du dépôt des locomotives. Pendant la douzaine de vols d’observation accomplis à bord de son « Morane », Comte déclare être régulièrement pris dans le faisceau des projecteurs allemands, passé le Mont-Terri. Résultat de la mission: l’éclairage est jugé insuffisant, il faudra installer des feux intermittents pour mettre l’Ajoie à l’abri des bombardements.
1919 – Première société d’aviation à Porrentruy
La guerre terminée, la France liquide ses surplus. Une demi-douzaine d’avions « Farman, Nieuport, Morane », doit constituer le parc volant d’une société d’aviation, issue par ailleurs de la société hippique, dans laquelle on trouve les noms de Barré, Braichet, Burger, Fleury, Hennemann et Millet. L’aventure promet beaucoup, elle reste pourtant sans lendemain. Les avions, ramenés de Paris par des pilotes inexpérimentés et téméraires, sont endommagés ou fracassés en route. Comble de malchance, un violent orage emporte le hangar de toile monté au Banné et détruit les appareils rescapés.
L’activité aéronautique n’est pas abandonnée pour autant. Un habitant de Courtedoux, Martin Seidler, ancien aviateur de l’armée française, a ramené un « Farman » qu’il installe dans un hangar situé non loin de l’actuel aérodrome. Durant quelques mois il accomplit des vols à la demande, se faisant fort d’aller quérir ses passagers dans les endroits les plus inattendus. Dans « Le Jura » du 21 novembre 1920 on peut lire le communiqué suivant: « … les stations d’atterrissage en relation avec les affaires de douane signalées en Suisse sont: Dubendorf, Lausanne, Genève et Porrentruy (consortium Seidier). » Après quelques atterrissages manqués ou forcés, Seidler abandonnera ses activités et retournera en France, son pays d’adoption. Membre actif de l’Aéro-club de Troyes, il meurt en pays champenois en 1950.
« Le Jura » du 19 novembre 1919
Le « Farman » de Seidler, sur un camion au passage à niveau de St-Germain à
Porrentruy. L’appareil a été endommagé lors d’un atterrissages à Alle
1927 – Le club d’Alle et « l’Avionnette »
Les années 20 ouvrent des perspectives extraordinaires et préparent l’aviation moderne. C’est la période des grands raids aériens transcontinentaux. En 1927, Lindberg traverse l’Atlantique et lance du même coup un défi aux Européens. Cette même année, Alfred Comte construit à Oberrieden (ZH), « l’AC 4 Gentleman », qui accomplit le raid Paris-Bombay en 1928.
Ces exploits animent les discussions d’un groupe de jeunes gens à Alle entraînés par Abel Périat. Un comité d’aviation décide la construction d’un appareil muni d’un moteur de 26 CV. C’est « l’Avionnette » qui fera ses premiers sauts de puce avant d’être modernisée et équipée d’un moteur plus puissant de 40 CV à cylindres en étoile. Elle sillonnera le ciel ajoulot sous le nom de « Cra d’Alle » (cra = corbeau, surnom donné aussi aux habitants de la localité).
Les constructeurs de « l’Avionnette » en 1928. De g. à
dr.: A. Périat, H. Hubleur, G. Gurba, A. Petignat
Au début de 1932, les constructeurs adoptent les statuts d’une société qui prend le nom de « Club d’Aviation d’Alle ». L’article 2 stipule. « Le club a pour but de développer l’aviation sportive dans le district de Porrentruy et de défendre les intérêts de ceux qui se livrent à ce sport. »
13 membres fondateurs signent le document et le comité se compose de:
Gassmann Louis président Périat Abel vice-président Christe Robert secrétaire-caissier Petignat Joseph chef technique Petignat Abel chef du matériel Hubleur Henri membre assesseur Gurba Georges membre assesseur
Le 25 juin l’assemblée du club décide le rachat du « Messerschmitt » Be 246 à Swissair pour la somme de Fr. 2000.-. Le directeur de la compagnie, Walter Mittelholzer, s’engage à faire passer son brevet de pilote à Louis Gassmann, afin qu’il puisse ramener l’avion. Après force tracasseries financières et administratives, l’appareil décolle enfin de Dubendorf le 16 juillet, malgré une météo incertaine. A Alle c’est l’attente un peu inquiète. Laissons au secrétaire R. Christe, le soin de nous conter ce retour mémorable dans son P.V. du 19 juillet 1932:
« … A midi, grande averse et fort vent, tout espoir de voir enfin notre oiseau est perdu, lorsqu’à midi et demie, des cris retentissent de toute part: un avion, un avion! Nos têtes se lèvent, les yeux cherchent et finissent par trouver cette minuscule hirondelle qui commence à tournoyer au-dessus d’Alle… Louis Gassmann, transi de froid, descend de sa carlingue, tout en nous faisant part de son regret de n’avoir pas pu survoler Porrentruy, à cause de l’orage… La journée qui suivit cette rentrée, nul ne l’oubliera! »
« L’Avionnette » transformée en biplace et équippée d’un
moteur « Salmson » de 40 CV en 1929
L’équipe, en 1932, devant le « Messerschmitt Be 246 » à
l’occasion d’une visite de F. Kohler (debout à gauche)
1929 et 1934 – Les grandes fêtes de l’aviation – Fondation de la section « Les Rangiers » de l’AéCS
Pendant l’Entre-deux-guerres, l’imagination populaire a été frappée par le passage très fréquent du dirigeable allemand « Zeppelin ». Sorti brusquement de l’horizon, il passe très bas et toujours de façon inattendue. Notre région est pour lui un passage obligé, car la navigation se fait à vue, le long des cours d’eau et des reliefs. Parti des bords du lac de Constance, il suit le Rhin, la Birse puis le Mont-Terri avant de rejoindre le bassin du Rhône par le Doubs. A peine vient-il de boucler son premier tour du monde, en août 1929, qu’on annonce à Porrentruy, pour les 22 et 23 septembre, une grande fête d’aviation dans la plaine de Courtedoux.
Meeting de 1929
La manifestation est organisée au profit des « œuvres de protection de l’enfance » et sous le signe de l’amitié franco-suisse. Des as de l’aviation française ont offert gratuitement leur concours. Les pilotes démobilisés de 14-18, ne se sont pas tous recyclés dans l’Aéropostale et plus d’un essaye de gagner sa vie en la risquant dans les folles cascades et acrobaties des meetings aériens. Le célèbre trio Delmotte-Lemoigne-Millo donne tout un après-midi le frisson à une foule évaluée à plus de 20’000 spectateurs qui voient se succéder loopings, vrilles, sauts en parachute et numéros au trapèze suspendu dans le vide. « A l’atterrissage se leva un vent d’enthousiasme que je n’ai plus depuis rencontré, d’une telle intensité. Ni retrouvé une telle émotion collective… Les pilotes étaient devenus des dieux. » C’est ainsi que Jean Gigon relate l’événement dans « L’été de la St-Martin ». C’est en des termes tout aussi élogieux que le Conseiller national Jobin salue les hôtes français, au nom du comité d’organisation. « En notre siècle de domination de la matière et du culte du Veau d’Or [!], vous, aviateurs, vous êtes de la légion des Apôtres de l’idéal et des fervents du suprême sacrifice. »
Le trio des as français fait un triomphe au meeting de 1929
Le dimanche après-midi et le lundi, des vols de passagers sont organisés par la compagnie « Aviatik » de Bâle. Un journaliste affirme aussi que certaines dames se sont laissées allées, en fin de journée, au grand frisson des vois acrobatiques.
Le 23 janvier 1933 se constitue la section « Les Rangiers » de l’AéCS dont le siège est à Delémont. Ses statuts lui assignent 4 buts principaux et prometteurs:
créer des places d’aviation
former des pilotes
organiser des manifestations aéronautiques
développer le vol à voile
Ainsi les préoccupations et les intérêts des Ajoulots du club d’Alle ont-ils rejoint ceux de Delémont et Moutier où l’engouement pour l’aviation sportive n’est pas moindre. Les vallées jurassiennes se prêtent particulièrement bien à la pratique du vol à voile. Les vastes pâturages de versants offrent d’excellents terrains de décollage pour les planeurs. Par simple glissade, ou grâce à un système de treuil élastique, le « sandow », les pilotes les plus habiles ou les plus chanceux peuvent gagner de l’altitude en jouant avec les courants.
En 1924, Jean Marthaler de Moutier se met à construire des planeurs de sa conception. A bord du « Frédy » 1 et 11, il s’élance une vingtaine de fois, au-dessus de Courrendlin et Rebeuvelier. Dans les années 30, il poursuit ses vols sur des appareils construits avec des amis horlogers et… chômeurs. Associé à Willy Farner de Granges, il travaillera ensuite à la réalisation de planeurs biplan d’école.
J. Marthaler, à droite, en compagnie du journaliste Max
Robert, aux journées de l’air à Granges en 1945
A Delémont, de 1937 à 1941, avec quelques mordus regroupés autour de R. Broggi et 0. Crevoiserat, se fonde un groupe de vol à voile. Il fait l’acquisition d’un planeur de type « Zögling ». Chaque dimanche il s’agit de trouver un terrain, et les paysans sont bien difficiles à convaincre. Ensuite il faut transporter puis monter l’engin. Enfin, il reste à persuader les gens qui voudront bien tendre le fameux « sandow » pour le plaisir de voir évoluer un copain à quelques mètres d’altitude. Le « Zingo » des Delémontains finira sa carrière du côté de Laufon en 1941, aux mains d’un élève-pilote qui lui fait accomplir son dernier saut de puce, terminé par un atterrissage cheval de bois!
Meeting de 1934
C’est l’équipe d’Alle et la section « Les Rangiers » qui organisent, pour le 7 octobre, le 2ème grand spectacle de la plaine de Courtedoux. Le temps est incertain en ce début d’automne. Pour renseigner la population sur le maintien ou le renvoi de la manifestation, on a recours à un moyen publicitaire original. La presse locale annonce que, si le rneeting est maintenu, l’avion d’Alle (le « Messerschmitt ») survolera la région l’après-midi du 6 et le matin du 7 octobre. La météo se met finalement de la partie et un publie nombreux assiste aux démonstrations des nouveautés de l’époque. « Lockheed, Potez et Hawk, Fokker » effectuent de nombreux passages. Au cours de la journée du dimanche, Walter Mittelholzer, aux commandes d’un « Fokker trimoteur F-VII », emmène, à coup de 8 passagers, ceux qui désirent se donner un avant-goût de l’aviation commerciale moderne.
La palme de cette journée revient incontestablement au jeune pilote de planeur Marcel Godinat, un enfant de Porrentruy. Remorqué depuis Bâle, il se maintient près d’une heure et demie durant au-dessus du pâturage de Calabri. Parmi les 15’000 spectateurs accourus, on a entendu dire parfois que le sensationnel a été quelque peu absent de la manifestation. Avec le recul, on peut répondre que l’aviation entre alors dans l’ère du trafic commercial régulier. Il s’agit maintenant de convaincre une clientèle en donnant une impression de sérieux et de sécurité.
En 1934, on admire le « Lockheed-Orion » à train rentrant et le
« Fokker F-VII » trimoteur de Swissair (au premier plan
de gauche à droite)
La toute jeune section de l’Aéro-elub en restera là de ses projets et de ses réalisations. Elle ne survivra pas aux temps difficiles qui s’annoncent. « L’Eté de la Saint-Martin » nous livre encore cette image d’une époque qui se termine: « Le Graf Zepplin fut suivi du Hindenburg, plus grand. Un jour, au lieu du pavillon noir, rouge et or, ce dernier présenta les couleurs du nouveau Reich. En voyant pour la première fois cette croix gammée dans le ciel, nous ne savions pas que quelque chose venait de changer dans le monde. » On est en 1936.
1946 Rachat des « Piper » de l’armée américaine. Aéro-Sport + Aéro-Club = Aérodrome
Passée la tourmente de 39-45, au cours de laquelle toute activité aéronautique motorisée, excepté le modélisme, s’arrête dans notre région, il s’agit en quelque sorte de rattraper le temps perdu et de reprendre contact avec le monde extérieur. C’est en Ajoie, tout particulièrement, qu’une rare énergie va une fois encore se déployer dès 1946. En quelques mois se décident successivement ou simultanément l’achat d’avions, la création de l’aérodrome de Porrentruy-Courtedoux, la fondation d’Aéro-Sport S.A. et de la section de l’AéCS.
L’aérodrome en construction durant l’hiver 1946-1947:
à gauche, le baraquement militaire qui servira de restaurant
jusqu’en 1977, à droite, le premier hangar en chantier
Le corps expéditionnaire US de la Ilème Guerre mondiale va quitter l’Europe et solde une bonne partie du matériel débarqué sur le continent. La firme Périat et Petignat décide de racheter 74 « Piper L4 », petits appareils biplaces de 65 CV affectés à des missions d’observation et stationnés, pour la plupart, sur un aérodrome des environs de Naples.
Un premier voyage en Italie permet d’évaluer le matériel. Un deuxième donne le frisson! Des dégâts sont survenus entre temps. Il faut d’abord remettre en état, ou même remonter certains appareils qu’on n’a pas encore sortis des caisses. C’est alors que commence une véritable odyssée, d’abord pour Abel Périat et Abel Petignat qui doivent affronter les dures réalités d’une Italie désorganisée par la guerre et l’effondrement du régime de Mussolini. Il faut trouver du personnel et de l’outillage, réparer des avions endommagés, des toiles trouées ou brûlées au soleil. L’embauche et le travail s’avèrent difficiles, car toute transaction passe par des circuits douteux ou plus ou moins clandestins. Il faut s’assurer les services de collaborateurs ou de revendeurs qui font grassement payer leur bienveillante protection.
Le 31 décembre 1946, Abel Petignat décide de rentrer au pays avec le premier « Piper ». Surpris par le brouillard et la nuit, il est contraint d’atterrir aux environs de Berne. L’avion est détruit et le pilote s’en tire avec de graves blessures aux jambes qui le maintiendront hospitalisé jusqu’au printemps.
Durant l’automne, les « rampants » bruntrutains ne sont pas demeurés inactifs. Le 7 septembre est fondée Aéro-Sport S.A. qui devient propriétaire exploitante des avions, de l’aérodrome et des bâtiments en construction. Le 29 novembre, une assemblée, présidée par E. Sgobero, adopte les statuts de l’Aéro-Club de Suisse, Section Jura-Nord, ainsi que le règlement de l’école de pilotage dont le premier chef moniteur est Maurice Fleury. L’assemblée se tient au Café de l’Aigle et les membres fondateurs sont:
Bourquin Willy* Hubleur Henri Périat Abel Chapuis Jean Juillerat Jean Peter Julien Corbat Marcel Maître Yves Petignat Abel* Faivre Marcel* Mamie Arinand* Petignat Joseph*, Fleury Maurice* Masset Jules* Sgobero Edgard* Frossard Jean* Muriset Pascal Spira Henri* Grimm Edgard* Parietti Charles* Vallat Gustave Vallat Lucien*
*Sont également fondateurs d’Aéro-Sport.S.A. avec Paul Corbat et André Spira.
Ainsi, à l’origine, propriétaires et utilisateurs se retrouvent dans les deux sociétés.
L’AÉCS va progressivement rassembler tous les passionnés et les sympathisants des sports aéronautiques. En quelques mois plus de cent membres sont recrutés; un mouvement d’opinion très favorable à l’aviation sportive se développe.
1947 – Arrivée des « Piper L4 »
Début 47, la remise en état des « Piper » va bon train du côté de Naples. Le F.L.C. américain (Field Liquidation Commissioner) autorise l’acheminement des appareils vers la Suisse dès le 15 février. Aéro-Sport s’est assuré la collaboration d’un personnel nombreux et compétent. D’anciens pilotes démobilisés des campagnes d’Éthiopie et d’Espagne offrent leurs services. Quand la météo ne permet pas le passage des Alpes, il faut longer la côte méditerranéenne jusqu’en France pour remonter ensuite la vallée du Rhône, ce qui rallonge le trajet et contraint à des ravitaillements en route, donc à des escales trop fréquentes. Pour remédier à cet inconvénient, Abel Périat fixe, sur le siège avant des « ,Piper », un réservoir supplémentaire dont le contenu est transvasé dans celui de l’avion au moment voulu par le pilote. L’opération se fait en vol et à la main, au moyen d’une poire en caoutchouc. Ce dernier article s’avère bien difficile à trouver. Qu’à cela ne tienne, on l’achète au prix fort chez les coiffeurs napolitains qui, pour un temps, se passeront de leurs vaporisateurs!
Ceux qui tentent tout de même le survol du Piémont ou le passage des Alpes par météo incertaine s’exposent à quelques mésaventures qui, heureusement, seront sans gravité. Un atterrissage du côté de Turin dans la cour d’une usine, un autre, suivi de capotage, dans un champ enneigé, sont à déplorer. Un moteur défectueux asperge son pilote d’huile chaude. Un atterrissage en Valais se termine par des démêlés avec la douane et la police. L’aviateur, qu’on prend pour un trafiquant de saccharine, est arrêté. Dans sa prison sédunoise, il apprendra, par les journaux, la méprise dont il est l’objet.
Au printemps et en été 1947, une cinquantaine de « Piper » s’alignent dans la plaine de Courtedoux. 4 ont été perdus, 20 ont été vendus en Italie ou en Suisse. Ce parc est encore complété par 2 « Cessna » bimoteurs et 2 « Fairchild » ramenés de Hollande et d’Ecosse.
Tour de contrôle et « Piper L4 »
« Photo de famille » avec quelques fondateurs. De g. à dr.:
E. Sgobero, M. Fleury, T.Périat, A. Périat, G. Vallat,
A. Petignat et L. Vallat
Le responsable de l’école de pilotage, Maurice Fleury, peut commencer son activité à bord de ces fameux L4 qui deviennent les avions d’apprentissage par excellence des années d’après-guerre. La moitié au moins des pilotes interrogés en Suisse vous diront qu’ils out fait leurs premiers pas sur ce type d’appareil simple, léger, maniable et qui se met encore en marche en lançant l’hélice à la main. Notre club aura donc joué un rôle déterminant sur le plan national, pour la reprise de l’aviation sportive après 1945.
Eté 1947, en pleine activité
Abel Périat (1899-1985)
Garagiste à Porrentruy, il a été le principal animateur du Club
d’Aviation d’Alle et la cheville ouvrière de l’aérodrome. De 1946
à 1982 il assume les fonctions de président d’Aéro-Sport S.A.
et de chef de place de 1951 à 1981
1947 – Meeting d’inauguration – le » Vampire »
Doté de son matériel et de ses installations, l’aérodrome peut maintenant convier la population à une « Journée des Ailes » prévue pour le 8 septembre 1947. Entre autres attractions, les plus prisées sont incontestablement l’acrobate Roland Toutain et le » Vampire » de Haviland que l’armée suisse vient d’acquérir.
Toutain est certainement l’un des tout derniers saltimbanques du ciel. Plus connu à l’époque comme vedette de cinéma, il s’est fait un nom avec Bresson et Renoir.
Vêtu de blanc, il se dresse sur les ailes d’un « Fiesler-Storch », se suspend à un trapèze et salue la foule, la tête en bas, saisissant au passage un drapeau sur la piste. Après ce numéro que les spectateurs voient se conclure avec un soupir de soulagement, le speaker annonce, depuis la tour de contrôle, le premier survol de Porrentruy par un avion à réaction. le » Vampire ». Il vient de quitter Payerne et survolera la foule dans 7 minutes! Silence, murmures incrédules, le temps de réaliser et le bolide passe sur les têtes. Les quelques milliers de spectateurs amassés aux abords de la plaine l’ont vu surgir derrière la montagne, et, au moment précis où il pique sur eux, ils se sont levés, tous ensemble… « 900 à l’heure! » entend-on nasiller dans le haut-parleur, alors que le » Vampire » effectue un second passage à très basse altitude. Le compte-rendu du « Pays » dira: « On reste confondu devant le génie humain qui a pu créer un appareil à la fois aussi rapide, aussi maniable, aussi beau … » A l’époque du supersonique et de l’aérospatiale banalisés par les médias, on peut sourire de tels propos. Reconnaissons-leur le mérite de nous faire mesurer les progrès accomplis en 40 ans.
En fin de journée, le « DC 4 » de Swissair, reliant Zurich à New York, passe très bas sur la plaine. Le commandant de bord vient saluer, à sa façon, le club ajoulot pour l’effort accompli dans le domaine de l’aviation sportive renaissante.
Affiche du meeting d’inauguration
Cascades de Roland Toutain
accroché à un « Fiesler-Storch »
1948 – Championnats suisses d’acrobatie – l’hélicoptère
La Grande fête internationale de l’air organisée le 27 septembre coïncide avec les championnats nationaux d’acrobatie. La manifestation sera la dernière de cette ampleur organisée à Porrentruy. L’inédit et l’exceptionnel sont de la partie avec des grands noms de la voltige aérienne et, en première suisse, la présentation de l’hélicoptère « Sikorsky S 51 » en tournée de démonstration. La foule assiste aux évolutions de cette étrange libellule, immobile et comme suspendue de longs moments au-dessus du terrain, alors qu’on hisse passagers et matériel à son bord.
Présentation de l’hélicoptère « Sikorsky S 51 »
Comme pour l’année précédente, le speaker et animateur de ces journées de l’air a été Yves Maître, enfant de Porrentruy, établi à Genève et membre fondateur de notre club. Dans le programme de la manifestation de 48, il est l’auteur du texte « Sens de l’aviation » où il célèbre ce qu’il considère comme la plus belle épopée de tous les temps et la plus grande victoire de notre époque. En voici un extrait:
Non, l’aviation n’est pas l’enfant bâtard des créations du génie humain, comme on l’a cru pendant longtemps et comme plusieurs veulent encore le prétendre. Mieux qu’un symbole, elle caractérise la victoire de l’esprit sur la matière. Quand l’avion quitte le sol pour disparaître dans les brumes de l’altitude, l’équipage se sent libéré de toute entrave. L’air pur, les horizons vastes, les paysages grandioses lui font oublier les contingences terrestres et la machine s’unit à l’homme si intensément qu’elle en devient la cellule d’un même corps évoluant librement dans l’espace infini. Invention géniale et conquête prodigieuse, l’aviation a une magnifique raison d’être: « c’est d’avoir ouvert, dit Mauriac, une route nouvelle à cette impatience de se dépasser soi-même qui fait toute la grandeur de la créature ».
Yves Maître
F. Malinvaud à l’issu de sa démonstration de voltige
L’après-midi est marquée par les évolutions du célèbre acrobate français Fernand Malinvaud. Le premier à être équipé de la radio (on disait alors la T. S. F.) et de pots fumigènes, il peut annoncer ses figures et les matérialiser dans le ciel. Jusqu’en 1953, cet ancien pilote de chasse, héros de la Résistance, sera la grande attraction des rassemblements aériens outre jura et sur le reste du continent. Son « Gourdon-Leseurre » sang et or de 400 CV fait aujourd’hui partie des curiosités exposées au Musée aéronautique du Bourget.
Le champion suisse de voltige Francis Liardon, futur champion du monde, conclut par un programme où il donne toute la mesure de son audace et de sa virtuosité.
Années 1950 – Vol à voile – terrain de Delémont
En juillet 49, Gustave Vallat a trouvé la mort aux commandes de son L4, près de Biaufond, dans la vallée du Doubs. Cet accident vient brusquement rappeler que l’aviation reste un sport à risques et que rien ne doit être laissé au hasard dans sa pratique. Après les années euphoriques du début, l’activité du club marque le pas. Les installations et le terrain servent encore à quelques privés ou aux aéronefs de passage. Les efforts se multiplient cependant pour la relance de l’aérodrome dans les domaines sportif et touristique.
Dès 1952, Porrentruy-Courtedoux obtient de la Confédération le statut d’aérodrome douanier à la demande, voulant profiter au maximum de sa situation frontalière et géographique exceptionnelle entre Jura, Trouée de Belfort et pays rhénans.
J. Frossard, alors président de l’AéCS, favorise la création d’un club de modélistes animé par J. Vauclair et A. Bregnard. En 1959, le groupe bâlois » Thermik » et son école de vol à voile prennent leurs quartiers en Ajoie. On ne dira jamais assez combien les modèles réduits et les planeurs favorisent l’initiation des jeunes aux subtilités de l’aéronautique, en même temps qu’ils contribuent à la formation de nouvelles générations de pilotes.
Evoquer cette période, c’est aussi souligner au passage l’heureuse initiative de quelques Delémontains qui, avec E. Corfu, créent le terrain de la Communance. L’assemblée générale de l’AéCS de mars 1951 accueille par une ovation l’ouverture de cette nouvelle place. E. Sgobero la salue en ces termes « Nous avons maintenant un pied-à-terre à Delémont, une sorte de résidence d’été. Notre école d’aviation pourra aussi s’y développer. L’Aére-Club du Jura- Nord s’est agrandi et la voie est ouverte au progrès! »
Place d’aviation de Delémont altitude 425 m, longueur
de piste E/O: 470 m. En activité de 1950 à 1967
Avec les places de Dittingen (près de Laufon) et Courtelary, les aviateurs disposent alors de quatre points d’appui répartis sur l’espace jurassien. Les deux derniers mentionnés sont maintenant réservés exclusivement au remorquage des planeurs.
Années 1960 / 1970 – Aérostiers – école suisse de voltige
La croissance économique de cette décennie aura une heureuse répercussion pour les adeptes des sports aériens. Dès 1962, le Groupe de vol à moteur assure à Porrentruy l’essentiel des activités en modernisant le parc d’avions et en relançant l’école de pilotage.
Le groupe de vol à voile « Thermik » à Porrentruy, dès 1959
Albert Perronne (1891-1982)
Docteur en chimie et commerçant à Porrentruy, il passe
son brevet à plus de cinquante ans. Passionné de géologie,
il effectue de longs vols d’observation à bord de son « Piper »
pour vérifier les théories de Jules Thurmann sur les
plissements du Jura
Une société d’aérostiers s’ébauche avec J. Frossard, M. Faivre et J.-P. Kuenzi. Désormais, notre club peut s’enorgueillir de pratiquer toutes les disciplines représentées dans sa fédération nationale. Il se compose de cinq groupes, organisés chacun de façon autonome avec leur comité respectif:
le Groupe de vol à moteur
les Modélistes
le Groupe de vol à voile « Thermik »
la Société des Aérostiers
les Parachutistes (en projet)
En 1966, Albert Ruesch, champion international de voltige aérienne, ouvre en Ajoie le seul centre suisse d’acrobatie reconnu par l’Office fédéral de l’Air. Parallèlement à cela, la Confédération donne son accord pour l’organisation de cours I.A.P. (Instruction aéronautique préparatoire) destinés à la formation de base des futurs pilotes militaires ou civils professionnels.
L’école suisse de voltige avec l’un des « Bücker » d’A. Ruesch
Quelques jurassiens passent le cap de cette impitoyable sélection et font carrière comme pilotes de milice ou à Swissair. Dès cette époque, la renommée nationale et même internationale de notre école d’aviation ira grandissant. Cette année voit aussi les aérostiers concrétiser leur rêve par l’inauguration du ballon « Ajoie HB-BOH » qui contribuera également à faire connaître, sous d’autres cieux, la région dont il porte le nom.
Septembre 1966, vol inaugural du ballon « Ajoie »
au stade du Tirage à Porrentruy
La période d’expansion s’achève, en 1969, par l’inauguration des bureaux, des locaux d’enseignement, d’un second hangar et d’un atelier mécanique.
En 1971, Charles Parietti maire de Porrentruy, déclare à l’occasion du 25e anniversaire de l’aérodrome. » Vous avez œuvré à donner des structures solides à votre organisation et atteint les buts que vous vous êtes assignés. Vous avez donné au terrain d’aviation de Porrentruy-Courtedoux une importance que trop de gens ignorent encore … «
L’ignorance peut aussi masquer la méfiance ou la désapprobation. Certains riverains, à tort ou à raison, trouvent que les aviateurs dérangent. Ces derniers resteront, dans toute la mesure du possible, soucieux de maintenir de bonnes relations avec les communes avoisinantes en renonçant, par exemple, aux manifestations bruyantes du type meetings aériens. Seules entorses à cette règle de discrétion, les survols de la ville à l’occasion du 1er août et celui, tout particulier, du 13 avril 1976. Ce jour-là, une escadrille du Groupe de vol à moteur effleure les toits de l’ancienne cité des princes évêques, où débutent les travaux de l’Assemblée constituante de la République et Canton du Jura. Depuis quelques années, c’est surtout la dynamique société des Aérostiers qui fait les grands titres de la presse. En 1976, à Augsburg et 1982, à Berne, J.-P. Kuenzi décroche le titre de champion du monde des aéronautes de ballons libres. A plusieurs reprises aussi, concours de ballons et championnats de montgolfières, ont été organisés à partir de l’aérodrome déserté par les avions. Les grands spectacles de la plaine se retrouvent alors au déploiement et au gonflage de ces immenses corolles bariolées qui se dispersent au vent, dans le ciel ajoulot.
1969. Au fond Porrentruy. Le long de la route de Courtedoux s’alignent: les hangars du groupe « Thermik »,
l’école de pilotage, le restaurant et les deux hangars
Le conseiller fédéral Roger Bonvin, en visite à l’occasion du
centenaire du quotidien « Le Pays » en 1973. De g. à dr.:
C. Rérat, M. Faivre et A. Périat
1er septembre 1979. Envol de plusieurs aérostats depuis la cour du collège
Stockmar à l’occasion de l’exposition Jules Vernes
Années 1980 – Des questions pour demain
C’est au moment où l’activité est des plus fructueuses à Porrentruy-Courtedoux, que des questions se posent quant à son avenir, voire même à sa survie. Comme les autres sports motorisés, l’aviation est en butte aux défenseurs de l’environnement naturel et aux prises avec ceux qui entendent préserver une certaine qualité de vie.
Une aviation plus simple, plus économique et donc plus écologique trouve des adeptes nombreux. La pratique de l’aile delta, de l’ULM, (ultra léger motorisé, momentanément interdit en Suisse), la construction de prototypes monoplaces, connaissent un succès croissant auprès de la nouvelle génération.
Au cours de ces dernières années, les responsables du Groupe de vol à moteur et de l’école de pilotage se sont efforcés de limiter au maximum les nuisances et le survol des nouveaux quartiers d’habitations érigés après la fondation de l’aérodrome. Les cours IAP ont été limités, les avions équipés de silencieux. Une circulaire, adressée en 1982 par R. Etienne, chef de place, à tous les pilotes usagers, se termine par ce pressant appel: « Aidez-nous et faites l’impossible pour ne pas incommoder les riverains de notre aérodrome. «
L’aviation moderne n’en a pas moins ses exigences de sécurité et de fiabilité. La vitesse accrue au décollage et à l’atterrissage nécessite des pistes plus longues et en dur. L’appareillage électronique de bord supporte mal les secousses d’un terrain en herbe. Si une amélioration ou une extension s’avèrent nécessaires à terme, étaient-elles envisageables sur le site de Porrentruy-Courtedoux ?
En août 1986, le comité du Groupe de vol à moteur avait déposé un projet d’implantation de ses activités à Courgenay et sollicité l’appui du Conseil communal. Une piste de 800 m en béton et des hangars pour une quarantaine d’avions projetaient d’être construits au Noir Bois. Devant l’opposition de la population, ce projet fut abandonné.
Atterrissage de précision à l’occasion des championnats suisses de parachutisme en août 1981
Championnats suisses de montgolfières en mai 1983
Juin 1986 à Bure. Meeting de l’aéromodèle-Club d’Ajoie.
Construction d’un petit monplace « Cri-Cri », par E. Comment et F. Métille, selon les plans
de l’ingénieur français Colomban, employé de l’Aérospatiale (août 1986)
Profils…
Henri Cobioni (1881-1912) D’origine tessinoise, natif de Tavannes et établi à Moutier, il construit un avion de type Blériot en 1909. Apprend à piloter à Chartres, est de la promotion de Roland Garros. Fait carrière au Tessin et en Italie, chez De Agostini et Caproni où il réalise de nombreux records de distance et d’altitude. En 1912, il est la vedette du meeting de Delémont et de celui de La Chaux-de-Fonds où il est victime d’un accident mortel avec un journaliste de la F.A.N. à son bord, le 15 octobre. A Magadino, une plaque commémorative, inaugurée par l’AéCS de Locarno, place Cobioni au rang des grands de la conquête du ciel à côté de Spelterini et Taddéoli.
Journée d’aviation du Voirnet (près de l’actuel Comptoir delémontain) 8 et 9 septembre 1912.
Le pilote Henri Cobioni de Tavannes accompagné de Jules Enard
Alfred Comte (1895-1965) Originaire de Courtételle, né à Delémont, il obtient son brevet de pilote à Villacoublay, où, d’emblée il surprend par ses qualités d’acrobate. Devenu pilote d’essai chez Gnome, il rentre au pays pour passer le recrutement à la veille de la 1ère Guerre mondiale. Il est le benjamin de la première escadrille militaire suisse et les hasards de la mobilisation le ramènent dès 1916 dans le Jura, où il accomplit de nombreuses missions de reconnaissance. Avec Mittelholzer, il fonde, en 1920, la compagnie Ad Astra Aero qui deviendra plus tard la Swisssair. En 1925, s’associe avec l’ingénieur Fierz (père du « Pilatus Porter ») et construit plusieurs appareils dans les ateliers d’Oberrieden (ZH). Un de ses avions, l' »AC 4 Gentleman », vole encore de nos jours, après plus de 50 ans de service. Le peu d’empressement des responsables suisses oblige Comte à renoncer à l’industrie aéronautique en 1935. Après avoir repris du service dans l’aviation militaire entre 39-45, il termine sa carrière professionnelle dans l’administration communale zurichoise. Le nom d’Alfred Comte a été donné à une rue de sa ville natale. A quand son entrée au Musée jurassien?
Une escadrille de « DH 3 Häfeli », commandé par Alfred Comte, atterrit à Courtedoux en octobre 1918
Francis Kohler (1903 -1945) Né à Porrentruy, de père suisse et de mère française, fait des études techniques à Fribourg et Grenoble puis accomplit deux ans de stage au Brésil. Etabli à Delle, il y fonde l’Aéro-Club Jean Mermoz. S’initie au pilotage dès 1932 à Alle et passe sa licence à l’aérodrome de Belfort-Chaux. Avec un moteur Salmson de 40 CV, il construit un « Pou-du-Ciel ». L’appareil se révèle très maniable et apte à la voltige. Kohler se fait remarquer, à l’occasion d’un grand rassemblement au Bourget, où il reçoit les éloges de la presse et les félicitations du ministre français de l’Air. A la veille de la guerre il totalise plus de 2000 heures de vol. Trouve la mort aux commandes de son petit appareil, le 1er septembre 1945, à proximité de Delle.
F. Kohler, membre du club d’Aviation d’Alle où il s’initie au pilotage en 1932. En dessus, le « Pou du Ciel »
construit selon les plans de l’ingénieur belge Mignet
Marcel Godinat (né en 1908 à Porrentruy) Commence sa carrière de pilote de planeur en 1934 et construit un « Spyr III » en compagnie de ses frères. La même année il participe au meeting de Courtedoux et survole le pâturage de Calabri pendant une heure et vingt-trois minutes. Le 14 octobre, il accomplir dans les environs de Zurich le premier vol de nuit en planeur et se maintient en l’air 4 h et 5 min durant. Participe à de nombreuses manifestations aériennes à l’étranger et décroche plusieurs records nationaux de distance et d’altitude. Dès 1955, il émigre aux USA et s’installe à Carson City, au pied de la Sierra Nevada, si propice au vol à voile. Jusqu’en 1980, continue à s’illustrer en battant, en 76 et 80, le « Nevada State Soaring Record » à une altitude avoisinant les 1 l’OOO m. Il totalise, à près de 80 ans, plus de 2500 heures de vol en planeur.
Marcel Godinat devant le planeur « Spyr » construit avec ses frères
Principaux événements aéronautiques en rapport avec la plaine de Courtedoux jusqu’en 1986
1907 | construction de « I’Aviateur », par Guinans et Frossard, au domaine de Beaupré |
1914 – 1918 | base pour les escadrilles militaires d’observation |
1919 | fondation de la première société d’aviation à Porrentruy. Martin Seidler organise des vois avec passagers |
1920 | l’aérodrome du Consortium Seidler, reconnu comme place internationale d’atterrissage au même titre que Dubendorf, Lausanne et Genève |
1929 | septembre: 1ère fête d’aviation devant plus de 20’000 spectateurs |
1933 | janvier: création de la section « Les Rangiers » de l’AéCS |
1934 | octobre: 2e fête d’aviation |
1946 | mars – septembre : achat des terrains de l’aérodrome par A. Périat; début de la construction des hangars 7 septembre. fondation d’Aéro-Sport S.A. 16 octobre: décision d’achat des « Piper L4 » 29 novembre – fondation de la section Jura-Nord de l’AéCS |
1947 | septembre: grand meeting inaugural de l’aérodrome de Porrentruy-Courtedoux |
1948 | septembre: meeting et championnats suisses d’acrobatie |
1951 | mai: cinquantenaire de la société centrale de l’AéCS, cinquième de la section locale. Baptême et bénédiction de l’aérodrome par Mgr von Streng, évêque de Bâle |
1952 | aérodrome douanier sur demande institué |
1956 | fondation d’un club de modélistes |
1959 | accueil du Groupe de vol à voile « Thermik » de Bâle |
1962 | reprise des activités du Groupe de vol à moteur création d’une société d’aérostiers |
1964 | juin: fête champêtre et aérienne avec démonstrations par les membres du groupe: J.-P. Racine pour l’acrobatie et P. Gisiger pour le parachute |
1965 | août: accueil du champion automobile Jim Clark venu participer à la course St-Ursanne – Les Rangiers |
1966 | avril: ouverture du centre suisse de voltige aérienne |
1967 | juillet. formation de la première instructrice de voltige en Suisse: Ursula Bühler |
1969 | avril: inauguration des locaux de l’école de pilotage, du hangar et de l’atelier |
1971 | septembre: fête de l’air à l’occasion du 25e anniversaire de la section de l’AéCS |
1973 | juin: accueil du Conseiller fédéral Roger Bonvin venu assister au centenaire du journal « LePays » |
1974 | juin: coupe nationale pour ballons libres |
1976 | mai: championnats suisses de ballons libres juillet: inauguration d’un avion monoplace expérimental construit par F. Guenat et J. Stehlin |
1978 | mai: inauguration du nouveau restaurant de l’Aéro, suite à un incendie |
1981 | août: championnats suisses de parachutisme octobre: championnats suisses de montgolfières |
1983/1986 | mai: championnats suisses de montgolfières |
Marcel Faivre (1923-1986)
Architecte et urbaniste à Porrentruy, il est membre fondateur de
l’aérodrome et président de l’AéCS de 1971 à 1985. Son métier
l’amène à effectuer de nombreux vols d’observation et de relevés
photographiques. En 1977, il publie ses premières découvertes
en archéologie jurassienne
Principaux responsables de l’aérodrome de Porrentruy 1946 – 1986
Présidents:
Aéro-Sport S.A.
– Périat Abel 1946 – 1982
– Etienne Roger 1982 PorrentruyAéro-Club
– Sgobero Edgard 1946 – 1953
– Frossard Jean 1953 – 1971
– Faivre Marcel 1971 – 1985
– Lachat Louis 1985 AsuelGroupe de vol à moteur + école de vol à moteur
– Blétry Claude 1962 – 1965
– Etienne Roger 1965 – 1971
– Perret Jean-Jacques 1971 – 1977
– Crétin Robert 1977 – 1982
– Racine Jean-Paul 1982 PorrentruyClub des modélistes 1956
– président actuel de l’Aéromodèle-Club d’Ajoie. E. Frossard, Bonfol
Groupe de vol à voile « Thermik » de Bâle 1959
– représentant actuel à Porrentruy: Rudolf Romano, Porrentruy
Groupe des Aérostiers 1962
– président depuis sa fondation: Jean-Paul Kuenzi, Porrentruy
Chefs de place: (responsables vis-à-vis de l’Office fédéral de l’aviation civile):
– Fleury Maurice 1946 – 1951
– Périat Abel 1951 – 1981
– Etienne Roger 1981 PorrentruyMoniteurs responsables de l’école de pilotage:
– Fleury Maurice 1946 – 1951
– Moser Paul 1949 – 1966
– Ruesch Albert 1966 – 1979 (école d’acrobatie)
– Stehlin Juerg 1970 PorrentruyMécaniciens responsables de l’atelier:
– Augsburger Jean 1947
– Moser Paul 1949 – 1966
– Lengweiler Jakob 1967 – 197
– Wira Claude 1972 – 1978
– Salgat Joseph 1978 CornolAutres sociétés aéronautiques du Jura-Nord
– Delta-Club Jura, président et moniteur: E. Chavanne, Moutier
– Aéromodélisme jurassien, Delémont et environs, président: D. Charmillot Vicques
– Aéromodèle-Club de Glovelier, président. J.-J. Schreck, Glovelier
J. Stehlin (à droite), responsable de l’école de pilotage, à bord d’un « Cessna 172 » (août 1986)
Atelier mécanique avec J. Salgat (août 1986)
Copyright © 2001 GVMP. Tous droits réservés. Reproduit avec l’aimable autorisation de M. J.-F. Nussbaumer.
Création de l’Aérodrome régional du Jura à Bressaucourt
Composition du conseil d’administration lors de la votation du 29 avril 2001, cinq ans après la constitution de la SCAJ.
(Photo BIST prise par M. Roger Meier)
De gauche à droite: dès 1996, Jean-Jacques Perret, président ; Pierre Lachat, secrétaire ; Roger Chèvre, vice-président ; Jean-Paul Küenzi, assesseur ; Georges Hennet, caissier ; Albert Egger, assesseur (manque sur la photo) ; dès 1998, Alfred Kormann ; dès 1999, Philipp Glogg.
En quelques dates, voici comment un projet passe de l’idée à la concrétisation.
1983
Le Service de l’aménagement du territoire propose «le maintien ou l’aménagement d’un aérodrome régional d’utilité publique dans le canton du Jura».
1987
Le programme de développement économique, approuvé par le Parlement, exprime la même volonté. L’aérodrome doit disposer d’une piste en dur afin de répondre aux besoins régionaux en général, et à ceux grandissants des milieux économiques, toute l’année.
Accord à l’unanimité des maires d’Ajoie et du Clos-du-Doubs pour soutenir le projet d’un nouvel aérodrome.
1988
Un groupe de travail, mis sur pied par le Gouvernement, est chargé de «déterminer un site de remplacement en vue de favoriser le développement de l’économie et la pratique du sport qui soit respectueux de l’environnement».
1989
Une étude est lancée pour que les modalités de la réalisation de l’aérodrome soient coordonnées avec la construction de la Transjurane (A16).
1990 – 1994
Suite à plusieurs investigations et études d’implantation, la commune de Bressaucourt est retenue comme site.
1995
En octobre, les citoyens de Bressaucourt se prononcent par les urnes. Ils acceptent le principe d’un aérodrome sur le territoire de la commune.
1996
Création de la Société coopérative de l’Aérodrome du Jura (SCAJ). Cette coopérative est initiatrice du projet et chargée de le mener à terme. Elle en assume le financement.
2000
Le Conseil de ville de Porrentruy apporte son soutien sans réserve au projet.
L’aérodrome de Bressaucourt est inscrit en tant que «projet prioritaire» dans le programme de développement régional 2000 de l’Association régionale Jura (région LIM).
2005
Le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) ainsi que l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) ont répondu favorablement aux requêtes de la Société Coopérative Aérodrome du Jura en vue de la création d’un aérodrome à Bressaucourt. La nouvelle installation, qui remplacera l’actuel champ d’aviation de Porrentruy, sera appelée à fonctionner comme aérodrome régional sans trafic de lignes orienté aussi vers les vols commerciaux. La concession d’exploitation qui lui a été délivrée est valable 30 ans.
Les opposants à ce projet font recours au Tribunal Administratif Fédéral.
2007
Le Tribunal Administratif Fédéral rejette les oppositions, mais les opposants font recours au TF.
2008
Le Tribunal Fédéral confirme le jugement du TAF et déboute les derniers opposants.
En novembre 2008, les travaux commencent
Travaux :
Le site de Plain Tertre, sur la commune de Bressaucourt, présente une légère pente naturelle orientée nord-nord-ouest. Afin de réaliser la plate-forme de l’aérodrome, un remblayage de 250 000 m3 est nécessaire dont 27 000 m3 seront prélevés sur la partie sud. En complément et dans le but de limiter les coûts de transport d’élimination des matériaux du chantier de l’A16, des synergies seront réalisées. Le reste des remblais, soit 222 400 m3, utiles à la réalisation de l’aérodrome, proviendra notamment d’extractions de matériaux du tunnel du Bois de Montaigre. Cette solution évite d’inutiles allées et venues de camions vers des décharges situées à plusieurs kilomètres du chantier. Les trajets A16-Bressaucourt se trouvant en dehors de routes ouvertes à la circulation, on exclut ainsi les traversées de localités.
La terre végétale, évaluée à 38 200 m3, sera décapée et réétendue ensuite sur place (17 800 m3). Le solde (env. 20 000 m3) sera mis à disposition des agriculteurs de la commune de Bressaucourt. Tous ces travaux respecteront strictement les mesures décrites dans le Rapport d’impact sur l’environnement (RIE).
La piste de chantier A16, déjà construite, sera maintenue comme route d’accès à l’aérodrome et desserte agricole.
Etapes :
L’enrobé de la piste et des voies de roulage est posé. L’ouverture est prévue au printemps 2011.
Les fondations des hangars et de l’atelier sont prêts à recevoir leurs infrastructures (janvier 2011).
La citerne à carburant est posée.
Le bâtiment administratif avec le restaurant (MINERGIE) est sorti de terre et le travail des aménagements intérieurs continue.
La pose de la charpente des hangars est terminée. La toiture et les séparations sont en cours de finition (mi-mars 2011).
Les mises à niveau des terrasses du bâtiment administratif sont en bonne voie (mi-mars 2011).
Les hangars sont en voie d’achèvement (mi-avril 2011).
Le 15 juin 2011, les avions du Groupe de vol à moteur de Porrentruy ont pris leurs quartiers à Bressaucourt et peuvent utiliser les infrastructures.
Le 1er juillet, la plateforme est ouverte à l’aviation générale.